Avec l’appui du corps médical et d’experts techniques, un collectif nantais s’est lancé depuis un mois dans la fabrication d’un respirateur artificiel simplifié à l’aide de l’impression 3D. Ce prototype conçu pour lutter contre le Covid-19 est en cours de test.
Le respirateur artificiel “MakAir” est un projet unique en son genre. Initié à la mi-mars par le collectif Makers for Life, créé par cinq entrepreneurs nantais, il a reçu l’appui de 250 bénévoles investis 24 heures sur 24 et le soutien d’experts techniques, de médecins, makers, ingénieurs, chercheurs, collectivités, PME et grands groupes industriels.
Pour pallier le manque de matériel médical en France et à l’étranger, les fondateurs du collectif ont imaginé un respirateur artificiel simplifié. Le choix s’est rapidement porté sur la fabrication additive pour démarrer le projet. « Avec mon associé, nous sommes nous-mêmes makers, et nous avons mis à disposition notre matériel personnel dès le début », a déclaré Baptiste Jamin, membre fondateur du collectif Makers for life et fondateur de Crisp, à ZDNet. C’est donc avec deux imprimantes 3D que l’aventure a commencé. Un mois après, les machines se sont multipliées, et le projet est en passe d’évoluer vers une phase de production industrielle, avec l’appui de groupes tels que Seb et Renault.
Ces industriels auront la capacité de produire « une centaine » de respirateurs par jour. Si l’objectif est d’atteindre « 5 000 appareils » à terme, la production devrait être en mesure de « progressivement monter en cadence », assure Baptiste Jamin. Mais pour l’heure, le projet en est encore à sa phase clinique, explique ce dernier. A la troisième et dernière étape de la phase clinique, MakAir sera testé dans les hôpitaux volontaires qui en font la demande. Pour l’heure, le projet attend toujours l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament pour démarrer les essais cliniques et la production, rappelle le CEO de Crisp.
La 3D pour le prototypage et les premières séries de machines
Dès l’origine, les fondateurs de Makers for life ont fait appel aux équipes du CHU de Nantes, les premiers concernés in fine par ce respirateur d’un nouveau genre. « On nous a tout de suite dit de ne pas nous lancer dans la conception de pièces en 3D à destination de ballons de réanimation à pression manuelle. Nous avons donc été obligé de diverger des initiatives que l’on peut trouver sur Internet pour porter notre choix sur un respirateur plus lourd, qui fonctionne avec une turbine permettant d’avoir une pression contrôlée », explique Baptiste Jamin.
Et « la sécurité du système prime avant tout », souligne-t-il. « Le MakAir est pensé dans le respect strict des règles visant à garantir la sécurité du patient et conçu selon les recommandations des sociétés savantes (SFAR – Société française d’anesthésie et de réanimation ; SFMC – Société française de médecine de catastrophe ; SRLF – Société de réanimation de langue française). Ce respirateur respecte les exigences des dispositifs médicaux de classe IIb », précise en effet un communiqué.
C’est donc un respirateur de 22 kg qui est né pour le prototype et les premières séries. « On pense pouvoir encore alléger le système », précise Baptiste Jamin. Pour la phase de fabrication, le collectif a très vite sollicité le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Grenoble, qui a mis à disposition ses équipes techniques et son centre d’impression 3D, amorçant également le financement des fournisseurs pour permettre le décollage du projet, relayé ensuite par la région Auvergne-Rhône-Alpes. « C’est le monde des start-up qui débarque dans le monde de la recherche », s’enthousiasme Baptiste Jamin.
Avec l’aide du CEA, le projet est passé en l’espace de deux semaines de la phase de prototype à la phase d’industrialisation. La 3D a permis « d’accélérer la phase de prototypage », explique l’entrepreneur, qui souligne toutefois que cette technologie perd tout son sens pour un passage à l’échelle. Le CEA a en outre servi « de relais entre les makers et les industriels ».
L’émulation du collectif
Le projet a vocation à être partagé le plus largement possible. Les plans 3D du MakAir, dont le coût de fabrication est estimé autour de 1 000 euros, sont accessibles en ligne, mis à la disposition d’autres pays qui souhaiteraient imprimer les pièces. Le projet a aussi été sélectionné par l’Agence d’innovation de Défense (AID) à l’issue d’un appel à projets national dans le plan de lutte du gouvernement contre le Covid-19. La subvention obtenue financera de l’ordre de « 300 000 euros » la recherche et les essais cliniques.
Baptiste Jamin se montre optimiste sur la suite de l’aventure du MakAir. D’autres ne peuvent pas en dire autant : un projet de respirateur artificiel d’envergure lancé par un consortium d’industriels a été épinglé cette semaine, jugé pas tout à fait conforme à la prise en charge des cas atteints du Covid-19.
Le collectif Makers for life n’a pas encore crié victoire et est toujours au travail à Nantes. « Certains dorment même sur place », sourit Baptiste Jamin. L’aventure est enrichissante pour beaucoup, assure ce dernier, qui témoigne d’une « formidable synergie » qui s’est créée au sein du collectif. « Les développeurs se reconvertissent en mécaniciens, et inversement ! »